VERS 2030 – LE CANADA FACE À DES INCERTITUDES

Les incertitudes auxquelles le Canada fera face ne devraient ni nous apeurer, ni nous paralyser, mais devraient plutôt nous aider à prévoir et à nous préparer. Éviter ou minimiser un risque, ou encore identifier et saisir une nouvelle opportunité demande de l’imagination et du leadership.

Au lieu de fermer des usines, des mines ou des laboratoires en raison de la concurrence étrangère ou d'un taux de change élevé, pourraient-ils plutôt être contraints de fermer en raison d'une pénurie de main-d'œuvre ou d'une inadéquation des compétences ? Les taux de natalité, les niveaux d'immigration, le niveau de scolarité et la formation technologique seront-ils suffisamment élevés pour atténuer la rareté de main-d'œuvre ? Ou la vitesse de l'innovation commerciale devra-t-elle ralentir ou l'automatisation/la robotisation s'accélérer ?

Avec les immenses gâchis socio-économiques du COVID-19 et la peur d'une autre pandémie, une forme récurrente de coronavirus pourrait-elle entraîner des fermetures préventives et à répétition des frontières ? Est-ce que le terrorisme biologique ou biosynthétique apportera de nouveaux virus et de nouvelles menaces ou attaques pandémiques? Les pays se menaceront-ils les uns les autres avec « Avons un virus, vous attaquerons avec » ou « Avons un vaccin, le garderons pour nous » ? Avons-nous besoin d'une COVMED : Convention sur les Virus de Destruction économique massive ?

Les effets du vieillissement de la population sur les finances publiques et la productivité, possiblement combinés à un taux de participation au travail réduit, à une diminution des entrepreneurs, à des déficits de régimes de retraite coûteux ou à l’absence régulière de retraités les froids mois d’hiver, affecteront-ils le potentiel du PIB canadien ? Passerons-nous d’un taux de croissance potentiel de 3 % à moins de 2 % ?

« Un super-cycle de la demande ne signifie pas toujours un super-cycle des prix. Les entreprises, les investisseurs et les gouvernements devraient se préoccuper du risque d’une chute des prix et les effets secondaires sur le dollar canadien et les finances publiques. »

Eric Noël, octobre 2011

Une production pétrolière accrue et de nouvelles réserves au Canada (incluant en Arctique), aux États-Unis et ailleurs, une hausse des bio-fuels (issus de denrées non-alimentaires) et des essences synthétiques ajoutées à une diminution de l’intensité énergétique per capita permettront-elles de parler d’un sommet de la demande plutôt que d’un sommet de la production d’hydrocarbures ? Les compagnies pétrolières canadiennes pourront-elles concurrencer au niveau des coûts et de la capacité des oléoducs ?

Être bousculé par des changements puissants, complexes et multiples sera exigeant pour nos élus et fonctionnaires. Les Canadiens sauront-ils simplifier leur mode de gouvernance et d’administration publique ? Fatigués des effets secondaires de la corruption, de la polarisation et de la désinformation, est ce que la « société-toute-connectée » et le « gouvernement électronique » du futur permettront aux citoyens de stimuler eux-même l’innovation en matière de politique publique, d’aider les fonctionnaires dans son exécution et d’améliorer directement la livraison et la supervision des services gouvernementaux ?

Il y a peu de barrières à la mobilité interprovinciale au Canada. Avec l’âge, un nombre plus ou moins important de migrants retourneront-ils dans leurs provinces d’origine ? La mobilité de citoyens qui déménagent sans payer leur part de la dette locale accroîtera-t-telle le risque d’insolvabilité des villes ? Pouvons-nous être des migrants fiscalement responsables, ou assisterons-nous à un alourdissement de l’arbitrage interprovincial ?

En 2030, des États et villes américains souffriront de la sécheresse et du tarissement des nappes phréatiques. Le Canada consentira-t-il alors à exporter de l’eau vers les États-Unis ? Aurons-nous passé d’un débat sur les pipelines à un débat sur les grands aqueducs (de « Keystone » à « Waterstone ») ? Échangerons-nous de l’eau pour la protection du « USS Polar Arctic » ?`

La vitesse accélérée et les multiples facettes des progrès technologiques poseront-elles un défi aux agences publiques quant à leur capacité de recherche, de validation et de décisions ? Par souci de réglementation, de sécurité, d’éthique ou de coûts, les avancées dans les domaines de la génétique, du prolongement de la vie, des implants ou stimulants cérébraux ou de la biosynthétique vont-elles provoquer des débats du type « pas-dans-ma-cour » ou du « accessible-à-tous-ou-à-personne » ?

En 2030, la terre comptera 1,3 G de personnes de plus et peut-être 1 G de nouvelles classes moyennes. La demande alimentaire mondiale va exploser, notamment pour la viande et les produits laitiers. Des chocs environnementaux à l’étranger pourraient aussi nuire à la production agricole de denrées de base (céréales et riz). Le Canada vivra-t-il un nouveau succès économique et une forte hausse de ses exportations agricoles ? Comment gèrerons-nous les OPA et les investissements agro-alimentaires des entreprises d’État étrangères ?

À cause de citoyens aux revenus moyennement élevés qui n’ont pas assez épargné pour maintenir leur riche style de vie, verra-t-on émerger un premier groupe de retraités « pauvres » ? Vont-ils réduire leurs dépenses, vendre la maison et le chalet, déménager vers de plus petites villes moins chères, et coposséder une résidence, une automobile ou les services d’une aide-ménagère ? Le stress lié aux pensions de retraite (réduites ou incertaines) incitera-t-il des citoyens de 60 ans et plus en meilleure santé à prolonger leur emploi en repoussant la retraite moyenne à 68 ans ? Cela va-t-il hausser le chômage des jeunes ?